mardi 17 juin 2014

Evacuation d' un lieu de vie des Roms de Montpellier


Il n’y a rom à voir

Peine tristement ordinaire. Hier mardi 1O juin 2014, le camp de Roms de Sanofi(1), l’un des sept que compte la ville de Montpellier a commencé à être démantelé. Sur place, les policiers n’ont trouvé que des abris vidés de leurs habitants mais remplis de souvenirs abandonnés.
Quelques jours avant le démantèlement, nous avons rencontré la trentaine de familles qui vivait sur le terrain de Celleneuve depuis près de trois ans. Elles nous avaient confié leur intention de partir avant la date prévue. Une décision teintée de résiliation et de sagesse : « On n’a aucune chance face aux policiers, on ne peut pas gagner. Il faut partir avant, sinon ils vont tout casser », racontait Rusa arrivée de Roumanie en 2006 et qui a déjà vécu cinq démantèlements.

« Malheureusement, on ne pourra rien prendre avec nous »
Il est 17h, veille de week-end. Dans quelques jours, la communauté sera chassée, il faut donc faire vite. Dans ce petit village, beaucoup de choses devront être laissées sur place : « On voulait amener les caravanes, mais il y en a qui ne peuvent pas être tirées», s’attriste Christine.
Rusa elle, n’a de toutes façons pas la chance d’en avoir. Avec son mari et ses deux enfants, elle vit dans un abri fait de bois et de tôle. A l’intérieur, la petite famille avait emménagé son nid, chauffé grâce à un poêle à bois et quelques tapis cloués aux murs. Petites statuettes et fleurs en plastique, Rusa et les siens avaient comme chacun des habitants, mis dans leur maison une part de leur histoire. « Malheureusement on ne pourra rien prendre avec nous, sauf si quelqu’un est d’accord pour me transporter quelques affaires dans sa caravane », espère la mère de famille qui fait la manche pour vivre mais qui, comme son mari, espère pouvoir travailler maintenant que la loi le leur permet.
Malgré la nouvelle législation en vigueur depuis le 1er janvier dernier, la situation des Roms n’a pas véritablement changé comme le regrette une bénévole du Mouvement contre le Racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) de Montpellier : « La plupart se sont inscrits à Pôle-emploi et ont déposé des dizaines de cv, mais à l’heure actuelle à peine 1% des personnes en âge de travailler ont trouvé un emploi, et ceux malgré le long soutien des nombreux bénévoles du Mrap et d’autres associations. Il s’agit en plus d’emplois précaires car saisonniers. Même ceux qui ont le permis de conduire, qui savent lire, écrire et qui ont de l’expérience, ne trouvent rien. Sans même noter sur leur cv qu’ils sont Roms, leur accent ou leurs signes distinctifs comme les dents en or, font qu’ils sont vite écartés. »
 
Insistances policières
Cette décision de lever le camp, la petite communauté de Sanofi l’a aussi prise, poussée par des insistances policières : « Ils viennent tous les matins alors que les enfants sont encore en train de dormir, et nous disent de partir », s’indigne Miraella qui a trois petits, dont deux collégiens scolarisés dans le quartier. « Je leur ai dit que mes enfants allaient à l’école, mais ils m’ont répondu qu’ils s’en foutaient ! » s’attriste la jeune femme. Ici, la plupart sont inscrits dans des établissements scolaires proches du camp : «  Il n’est pas question qu’on les change d’écoles, mais ils vont être obligés de prendre le tram. Le problème c’est qu’on n’a pas d’argent et aucune allocation pour leur payer les cartes de transport », déplore Miraella soutenue par plusieurs autres mères du camp.
Parmi elles, seules quelques-unes, à l’image de Samantha(2), nous avaient confié leur intention d’attendre la venue des forces de l’ordre dans l’espoir d’être relogé. Avec deux enfants malades dont un nouveau-né opéré du cœur qui doit régulièrement se rendre à l’hôpital, la jeune femme avait bon espoir. Pourtant à leur arrivée, les policiers n’ont trouvé personne, pas même Samantha et sa famille. Le fatalisme sans doute. Et pour cause, excepté trois ou quatre familles logées à l’hôtel il y a quelques années suite à de graves maladies, aucun hébergement définitif n’a été proposé aux Roms de Montpellier.
A l’heure actuelle, l’ancienne communauté de Sanofi a été contrainte de s’éloigner de l’autre côté de la ville. Quant aux souhaits de Miraella et des autres de laisser leurs enfants dans les mêmes établissements, ils risquent à coups sûr d’être compromis.
(1) A Celleneuve.
(2) Certains prénoms ont été modifiés par soucis d’anonymat.
Jeanne Portal

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